lundi 27 juin 2011

US Documentary Programming Trends

Compte-rendu d’une conférence de fin de journée qui s’est tenue en anglais avec des intervenants américains, le thème en étant les tendances actuelles et à venir de la programmation de documentaires aux Etats-Unis.

Cette conférence était principalement animée par la figure charismatique de Stephen Harris, Directeur des programmes hors fiction et alternatifs pour le réseau américain A&E Television Networks (AETN), et ancien, entre autres, de CBS, Discovery ou encore HBO. Se faisant appeler par son prénom jusque sur ses powerpoints impeccables, et se déplaçant à travers la salle dans la plus pure tradition du show américain, Stephen Harris donne la réplique à deux animateurs et une représentante du réseau public, dont on entend peu la voix discordante, si ce n’est sur la fin.

Une première partie est consacrée à rappeler, à travers différents schémas, le cadre général du processus de production : les programmateurs sont les partenaires des producteurs, mais le véritable patron, celui qui génère les recettes dans une chaîne commerciale, c’est l’audience, et c’est ce que doit prendre prioritairement en compte le programmateur dans son choix de programmes – surtout qu’il existe une forte concurrence aux Etats-Unis dans le domaine des chaînes de documentaires ; le secteur est largement dominé par 2 grands réseaux, le leader Discovery et son concurrent AETN dont est issu Harris. Il est à noter que le réseau n°3 pour les documentaires serait… MTV (nous y reviendrons).

Stephen Harris entreprend ensuite rapidement de nous expliquons en quoi consiste concrètement le métier de programmateur : beaucoup de lecture et de visionnage de DVD ou de télévision, et 4 ou 5 réunions par jour concernant les projets en cours (en général, 8 projets à différents stades de production ou post-production, auxquels il faut ajouter les innombrables projets en développement).

C’est ensuite que l’on entre véritablement dans le vif du sujet : le type de documentaires que recherche Stephen Harris et AETN, les documentaires qui drainent l’audience américaine et donc l’attrait des programmateurs.

Harris identifie, avec des exemples édifiants, 4 points sur lesquels il se dit intraitable concernant le contenu des documentaires :

- Des personnages charismatiques (« big characters »)

- Des moments de suspens fort (« high stakes »)

- Des images exclusives (« unique access »)

- Un documentaire avec une narration et surtout une fin (« resolution »)

Par high stakes, Harris entend, par exemple, « personnages risquant leur vie » ; et par unique access, comprenez « images fortes, pénétrant au cœur de la vie privée des personnages » : ne filmez pas une mère se plaignant des addictions de son fils, filmez directement lorsqu’il prend sa dose dans sa baignoire…

On mesure dès lors le fossé qui sépare le concept de documentaire en France et aux Etats-Unis, et l’on comprend dès lors comment MTV se retrouve parmi les premiers diffuseurs de ce type de programmes aux USA. Stephen nous présente ensuite quelques exemples de documentaires à succès à travers des teasers, et notamment Pawn Stars, auquel il fait référence tout au long de son intervention. Il s’agit d’une émission proche de Jour après jour, dans laquelle on suit des rednecks américains tenant une petite boutique d’achat et de revente, et notamment leurs relations électriques avec certains clients.

L’univers du documentaire américain semble donc s’être confondu avec celui de la télé-réalité, à travers le concept de Factual documentary: filmer la réalité quotidienne au plus près – et au plus spectaculaire.

Stephen Harris identifie également 2 autres tendances importantes du documentaire américain, moins sujettes à débat :

- La tendance à la sérialisation des émissions, qui permet de fidéliser l’audience et de la stabiliser en s’appuyant sur des valeurs sûres, des émissions qui deviennent des marques attirantes.

- L’importance de l’image, de l’innovation technique et de sa valeur esthétique. Les images de synthèse ou animées, les documentaires 3D, etc, ont le vent en poupe, et désormais les programmateurs n’investissent quasiment plus dans aucun programme sans avoir vu un teaser vidéo représentatif de l’univers visuel.

La fin de l’intervention est marquée par un léger débat sur la conception du documentaire de Stephen Harris, débat initié par la représentante de PBS ; celle-ci fait remarquer que PBS propose des documentaires totalement différents, axés sur la vulgarisation de problèmes scientifiques contemporains(documentaires sur l’espace-temps, les univers parrallèles…) avec un certains succès. Le secret de ce succès serait de proposer quelque chose d’unique, hors de toute concurrence dans le paysage audiovisuel américain.

Quoiqu’il en soit, l’impression générale qui ressort de cette conférence est le sens complétement différent donné au concept de documentaire des deux côtés de l’Atlantique, qui peut porter à confusion. Le documentaire américain semble se confondre avec le flux, abandonnant toute idée de subjectivité et de démarche personnelle du réalisateur aux européens, et aux grands noms de l’investigation à la Michael Moore.

PP

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